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LES LOIS HERING


Constantin HERING

(1800-1880

Lors de la deuxième consultation, il convient de procéder à la critique de la première prescription. Il arrive que le succès soit total et l’on peut alors envisager la prise en charge du « terrain » chaque fois qu’il y a récidive. Mais à la suite de la première prescription, plusieurs éventualités peuvent se voir et c’est Constantin HERING qui les a le mieux étudiées, avec ce que l’on appelle « Les lois de HERING ». D’où ces quelques pages qui suivent.

 

            Constantin HERING (1800-1880) a marqué profondément l’histoire de l’homéopathie et c’est à lui que l’on doit l’introduction de ce qui était alors une « nouvelle médecine » aux U.S.A. 


            L’histoire raconte qu’à 20 ans, C. HERING était étudiant en médecine à Dresde, en Allemagne (qui n’était pas encore unifiée, Bismarck n’avait que 5 ans!). Il était déjà l’assistant d’un chirurgien très célèbre, le Pr ROBBI, un temps favorable à l’homéopathie, puis devenu l’un de ses critiques. Dix ans après la parution de l’Organon de l’Art de guérir de HAHNEMANN, l’homéopathie faisait l’objet de polémiques acerbes, ce qui d’ailleurs a peu changé !  Le Pr ROBBI a été sollicité pour écrire un article documenté sur l’homéopathie dans le but de la déconsidérer. ROBBI chargea le jeune HERING de cette tâche. HERING mit en application les qualités que tous se plaisaient à lui reconnaître. Il commença par étudier différents ouvrages, dont les publications de HAHNEMANN. Et c’est ainsi que petit à petit, il vérifia les affirmations de ce dernier, il refit sur lui-même l’expérimentation de la teinture de quinquina. Et ainsi l’homéopathie lui apparut-elle comme « logique » et « vraie ». Il en fait part à son entourage, on le traite de fou, il est alors l’objet de railleries. Un jour, il se voit désigner pour pratiquer une autopsie. Il se fait une petite blessure à l’index droit. Cette petite plaie s’infecte, le doigt enfle, puis la main et le bras avec des ganglions à l’aisselle. « J’eus ainsi l’occasion d’observer sur moi-même cette maladie appelée: infection par dissection, qu’on appelait encore « plaie anatomique », affection contre laquelle les sangsues, le calomel et le nitrate d’argent s’étaient révélés impuissants. Mon chirurgien proposa l’amputation de la main ». On imagine l’état d’esprit d’un jeune chirurgien à l’idée de cette amputation. « C’est alors après plusieurs jours de douleurs et de tourments, sans parler de l’inquiétude qui me gagnait, que je fus sauvé par un jeune homéopathe, un des premiers élèves de HAHNEMANN, qui me persuada d’essayer ARSENICUM ALBUM à un dosage parfaitement ridicule. Sans conviction, mais devant la situation qui s’aggravait, j’acceptai néanmoins, cependant fort sceptique pour moi-même, quoique mes lectures faites sur les résultats de l’homéopathie m’intéressaient tous les jours davantage ». HERING prend alors ce médicament déjà connu comme « mort aux rats » et la guérison se produit. « Aujourd’hui, j’ai bel et bien mon doigt guéri, complètement guéri ». C’était étonnant à plus d’un titre: d’abord il y a avait la posologie inhabituelle qui faisait comme aujourd’hui l’objet de railleries et de critiques. Ensuite, à cette époque, il n’était pas classique d’utiliser un médicament par voie générale pour une plaie externe.

 

             Et c’est ainsi que HERING décide de consacrer à l’homéopathie, non seulement son doigt sauvé ou sa main, mais son corps et son âme. « Et c’est à moi cependant qu’on cornait aux oreilles que l’homéopathie était morte et n’était qu’une escroquerie » !!! 

     

      HERING travaille ensuite avec HAHNEMANN, puis part en Guyane en 1827, il y exerce l’homéopathie et se consacre à la recherche. Notamment, il réalise la pathogénésie de LACHESIS, il en garda des séquelles jusqu’à la fin de sa vie. Il s’installe aux U.S.A. et crée en 1835 la première institution d’enseignement homéopathique, puis en 1848 il fonde à Philadelphie « The Hahnemann medical college », avec hôpital. Outre ses recherches pathogénétiques, il publie un énorme ouvrage de Matière médicale: « The Guiding symptoms » en dix volumes. 


            Il est difficile de résumer une œuvre aussi riche et abondante en seulement deux propositions. On doit à C. HERING, entre autres: 


1.    La théorie du « tabouret à trois pieds ».

2.    Les « lois » de guérison.

Dans un article intéressant, le Docteur Robert SEROR donne son avis et surtout propose plusieurs observations. Voici ses appréciations

La théorie du « tabouret à trois pieds » :

            Un tabouret qui ne possèderait que deux pieds ne serait pas stable (ce ne serait d’ailleurs plus un tabouret !). Trois pieds sont nécessaires pour assurer la stabilité. De même la mise en évidence du « remède semblable » nécessite au moins trois sympômes.


           R. SEROR affirme que la répertorisation sur trois symptômes demande seulement 15 minutes. A l’époque de cet article, les répertoires informatisés n’existaient pas, car il suffit de quelques secondes aujourd’hui. Cependant, avec seulement trois symptômes, l’ordinateur « sort » souvent plus d’un remède.


- II -


Les « lois » de HERING: 


            HAHNEMANN avait déjà constaté ces lois de la guérison que C. HERING a systématisées et mieux définies par la suite. R. SEROR évoque même comme précurseur de HERING (et de bien d’autres) SWEDENBORG, auteur du 17°siècle. Voici énoncée cette ou ces « lois » de HERING. 


            La guérison thérapeutique suit une direction. Elle se fait de haut en bas, de dedans en dehors, dans l’ordre inverse d’apparition des symptômes. 



Commentaires: 


Evolution de haut en bas


            Exemple: un malade présente un eczéma localisé à la face. Après quelques jours ou quelques semaines de traitement, il présente une éruption au niveau d’un membre inférieur. Ou encore: un malade souffre de l’épaule et après le traitement la douleur de l’épaule a disparu, mais les doigts de la main sont douloureux. 


            La vérification de cette direction est d’un excellent pronostic. Mais s’il y a une direction inverse, cela peut laisser deviner un mauvais pronostic, sauf s’il s’agit de la réapparition d’un symptôme ancien. 


Evolution de dedans en dehors: 


            Exemple: un malade est traité pour une gingivite. Celle-ci disparaît grâce au traitement, mais le malade se plaint alors d’une éruption sur la joue. Dans ce cas, le pronostic est favorable et l’éruption disparaît d’elle-même en quelques jours, même en l’absence d’un autre traitement.

 

CAS CLINIQUE AVEC COMMENTAIRES



Docteur  Jacques BAUR

(Groupement Hanemannien de Lyon - 4° série n°1-2-3)

Mr S., était âgé de 61 ans, lorsqu’il vint me consulter le 3 février 1959 pour des maux de tête quasi continuels depuis au moins une vingtaine d’années et s’exacerbant lorsqu’il digère mal. 


            Sur un fond de douleur sourde constante, surviennent en effet des exacerbations caractérisées par des pulsations douloureuses frontales droites avec endolorissement des globes oculaires à la pression, sensation d’avoir les yeux trop gros, brouillards visuels. Le bruit, la lumière exacerbent ces douleurs que soulagent des applications fraîches. 


            Rien d’étonnant à ce qu’il se plaigne également de troubles de la mémoire avec impression de flottement et de vide dans la tête. 


            Ses digestions sont habituellement très lentes, l’estomac lourd après manger avec une douleur constrictive légère, des ballonnements, quelques éructations. Malgré tout un solide appétit, qu’il est obligé de restreindre sans désirs ni aversions bien nets. Il va à la selle régulièrement, tous les jours après le petit déjeuner.

       

            Outre sa tête et sa digestion, il souffre encore d’une bronchite chronique remontant à l’enfance, consécutive à une pneumonie gauche qu’il a faite vers 10-12 ans. Il tousse en toutes saisons mais surtout en hiver: une toux surtout matinale mais aussi après manger, ou quand il sort au froid, ou lorsqu’il se met en colère ou s’il digère mal. Expectoration épaisse, blanchâtre, facile. La toux lui donne un choc dans la tête au front à droite. L’effort physique l’essouffle. Il se plaint aussi d’une gêne respiratoire si la nuit il se couche à gauche. 

        

            Voici dix ans qu’il sent ses forces décliner de plus en plus: une sensation de fatigue, de faiblesse générale avec essoufflement au moindre effort. Il est surtout pire en hiver: c’est un frileux qui craint les courants d’air. C’est le matin après le petit déjeuner qu’il est le plus mal et cela dure parfois jusqu’au repas de midi. Il supporte mal les cols et les ceintures et son pantalon est toujours dégrafé. Il ne supporte pas le climat marin qui l’énerve. 


            Anxiété, le soir surtout, après souper.

            Besoin de compagnie.

            Aggravé par la consolation qui l’irrite.

            Il est très soigneux et méticuleux. 

            Difficultés à travailler, à poursuivre ses idées: pas de continuité dans les idées; les idées ne viennent pas, pas de mémoire. 

        

            Son sommeil n’a jamais été bon. Couché à 22 h, il s’endort vite mais se réveille à 3h le matin pour ne se rendormir que vers 6h. Et à 7h, le lever est bien difficile... Il dort sur le côté droit ou sur le dos, peu couvert, surtout les pieds qu’il n ’aime pas avoir au chaud; il recherche la fraîcheur du lit avec ses pieds.


            Dans la rue, des brouillards visuels avec la sensation vertigineuse que le sol se dérobe sous ses pieds.

            Du larmoiement quand il rit.

            Une douleur dans la région pectorale gauche avec sensation de gêne, de cœur serré.

C’est un grand gaillard de 1,80m qui a beaucoup maigri, de 8 kg ces dix dernières années. A l’auscultation, un rétrécissement mitral; aux poumons, signes diffus de bronchite dont la chronicité est signée par un hippocratisme digital très marqué. La tension artérielle est de 15/9. 

       

            Tels sont les symptômes que l’interrogatoire systématique et l’examen clinique nous ont apportés. Il était relativement facile de choisir, les plus importants que nous avons ensuite valorisés ainsi: 


1.    Anxiété le soir.

2.    Aversion pour la consolation.

3.    Caractère soigneux et méticuleux.

4.    Désir de compagnie.

5.    Frilosité.

6.    Aggravé après le petit déjeuner.

7.    Aggravé au bord de la mer.

8.    Ne supporte pas les vêtements bien ajustés.

9.    Insomnie après 3 heures du matin.

10.Découvre ses pieds la nuit. 


            C’est SEPIA qui « sort ». Nous prescrivons le 3 février = SEPIA M.           

       

            Six semaines plus tard, le malade revient très amélioré. Cette amélioration a été bien méritée, puisque les premiers jours du traitement ont été marqués d’une très forte aggravation des maux de tête et des difficultés digestives. Ses maux de tête sont maintenant moins fréquents et moins violents, les digestions sont meilleures. Il n’y a plus de fatigue matinale après le petit déjeuner. Mais son sommeil reste mauvais, sa toux n’a pas varié, il se plaint toujours des mêmes difficultés intellectuelles. Prescription = placebo. 

           

            Le 2 mai, le mieux se poursuit. Il a grossi de 3 livres et pèse maintenant 74 kg. Beaucoup moins de maux de tête, il reprend goût à la vie. Moins de toux, moins d’expectoration, plus calme et moins anxieux. Mais depuis 4 jours, les maux de tête et les difficultés digestives semblent reprendre = SEPIA M. 


            Le 11 juillet, amélioration générale, sauf pour la mémoire qui n’est pas revenue. La concentration intellectuelle reste difficile, bien qu’il n’ait plus cette sensation si désagréable de tête vide. Depuis quelques jours, quelques plaques de pelade apparaissent dans la barbe. A ce moment, il signale que voici 20 ans environ, il en avait déjà présenté dans la barbe et à l’occiput. Il semble s’agir du retour d’un symptôme ancien puisque cette manifestation survient alors que tous les autres symptômes sont en train de s’améliorer. Nous aurions dû donner Placebo. Mais la dernière prise de SEPIA remontait à plus de deux mois et les vacances venant, nous ne pouvions pas revoir le malade avant septembre. Nous lui conseillons une dose de SEPIA XM. Il revint le 17 octobre, il n’avait pratiquement plus de maux de tête, ni de troubles digestifs. Les plaques de pelade avaient disparu en trois semaines. Le poids est de 75,5 kg. Le sommeil était bon, avec un ou deux réveils par nuit mais aucune difficulté pour se rendormir et à peine une légère fatigue le matin au lever. Il restait toujours un peu de toux et d’essoufflement, et une mémoire encore faible, avec des difficultés à fixer l’attention au travail. 


(fin de l’observation)



Pour cette observation, la réapparition d’un symptôme ancien était d’un bon pronostic. Ce que HERING avait observé.


            Mais ce n’est pas toujours le cas. Voici une autre observation parue dans la même revue et qui illustre les lois de HERING par un cas  dramatique. Elle est due au Dr CASEZ.


            Le jeune Bernard avait 17 ans quand je le vis pour la première fois en 1957 chez notre Maître le Dr SCHMIDT. Il était venu avec une rigidité douloureuse des lombes, une douleur vive à la percussion de L2-L3 et une sciatique gauche pour lesquelles un médecin avait porté, sans faire de radiographie, le diagnostic de tétanos chronique (?). En fait, une radiographie amena les radiologues et les spécialistes à confirmer ce que semblait montrer l’examen clinique: un mal de Pott lombaire avec abcès latéro-vertébral gauche.


            Le traitement qu’institua le Dr SCHMIDT (Phos-aci. XM) eut un résultat tellement spectaculaire et rapide, tant du point de vue clinique que radiologique, que le chirurgien, après examen du malade et au vu de la calcification que montraient les nouvelles radios, décida de repousser l’abord chirurgical direct classique dans un pareil cas.


            En effet, en peu de mois, toute douleur et raideur avaient disparu, un bon cal s’était formé au niveau des érosions vertébrales et une greffe s’avérait inutile. D’ailleurs Bernard reprit son pénible travail de plâtrier-peintre et refit du ski, se casse même la jambe et consolida parfaitement sa fracture.


            Bref, tout semblait aller pour le mieux quand, quatre ans après, apparurent des crises comitiales pour lesquelles le Dr SCHMIDT prescrivit SILICEA. Après quoi, il me confia le malade qui habitait ma région.

       

            Bernard n’avait jamais eu de convulsions auparavant et ce nouveau symptôme, évoluant de bas en haut, de dehors en dedans, n’augurait rien de bon. Cependant toutes les investigations étaient négatives, les radiographies montraient une consolidation des lésions primitives et, finalement, avec SILICEA et TUB.BOV., les crises convulsives disparurent et ne revinrent qu’une ou deux fois sans durer.


            Tout semblait à nouveau rentrer dans l’ordre quand, il y a maintenant un an, le malade se plaignit à nouveau de lombalgies que l’on attribua au cal volumineux qui avait rempli la poche d’abcès pottique et a des réactions inflammatoires de voisinage en raison du blocage L2-L3. Cependant les douleurs s’accentuaient, le travail devenait de plus en plus pénible, une contracture permanente s’installait du côté gauche et, malgré les remèdes, vint un jour où il fallut envisager un traitement local, d’abord physiothérapique, puis chirurgical. Le chirurgien fit une très brillante intervention et enleva, sans séquelles nerveuses, un cal gros comme la moitié du poing. Les suites furent simples, toute douleur avait encore une fois disparu.


            On respirait à nouveau quand nous reçûmes l’examen histologique de la pièce opératoire que le chirurgien envoie systématiquement au laboratoire. « C’est tout sauf de la tuberculose, disait le compte-rendu,, et c’est vraisemblablement un ostéochondrosarcome ». L’évolution devait rapidement confirmer ce diagnostic et, en moins d’un mois, la tumeur avait doublé par rapport au moment de l’intervention. Le pauvre patient, malgré la bombe au cobalt et les traitements antimitotiques héroïques institués, attend la fin en alternant Palfium et Morphine.


            Cette triste histoire montre quel avertissement donnait la mauvaise direction de l’évolution symptomatique. On ne peut dire que le remède n’ait pas été bien choisi. L’évolution a été trop spectaculaire pour le nier. Mais la maladie était d’un degré au-dessus des ressources de la thérapeutique et le meilleur remède n’a pu que freiner l’évolution et donner au malade quelques années de vie normale. On peut se demander ce qu’aurait fait un abord chirurgical il y a 8 ans, certes un diagnostic précis, mais sûrement le bistouri aurait précipité également l’évolution de la tumeur.

       

            Voilà, je pense, de quoi justifier la prescription uniciste qui, seule, permet de se guider dans la nuit morbide, grâce à ce merveilleux compas qu’est la loi de HERING.

 

Voir l'article sur les lois de Hering" par Pierre SCHMIDT

sur le site Homéopathe International

Un article du Docteur François COUSSET

sur Constantin HERING